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Corpus #15 Ce qu’on laisse derrière soi
Cendrillon laisse une chaussure en partant, nous, il nous arrive simplement de claquer la porte et de rester avec nos doutes et nos si j’avais su. Quand c’était l’heure, c’est moi qui suis partie, à chaque fois. C’est moi qui ai pris ma fidèle voiture, ai traversé les hameaux dans la nuit pour me rendre aux refuges. J’ai souvent laissé bien des choses derrière moi. Une part de mon identité Magnus de Sylvie Germain J’en ai laissé dans ma chambre, des jouets, des poupées. Et maintenant la chambre n’existe plus. Elle a été remplacée, un bureau, ça sent le neuf. Pour la première fois j’ai rapporté tout ce que je…
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Journal de Louve #35 Sorcière du printemps
Le printemps m’ensorcèle. Mon premier papillon. La magie m’appelle en me parcourant, les poils se hérissent sur mes bras. Je sors. Je prends comme des signes les fissures sur les murs, mon amie par hasard et le toit recouvert de tuiles alignées. L’herbe est haute, je lève les pieds, mes bottes parcourent. A chaque pas je puise les pensées qui me font respirer. J’ai la fantaisie et le jeu avec moi. Comme une loutre. Mes chats s’amusent et puis s’endorment. Je dépose mon visage sur leur flanc fourni, l’odeur de la lessive. L’une, un peu plus tôt, a du s’installer dans la buanderie. J’évite les ennuis, je sais faire, sans…
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Journal de Louve #34 Pensées ennemies
J’ai le doute au corps. Les pensées ennemies ont envahi mon monde, l’érosion continue. Nous n’avons pas le temps. L’hésitation grésille et je ne parviens pas à te la faire entendre. Je me lève, le matin, c’est sans savoir marcher. Je titube, salle de bain, j’essaie automatique, de mâcher mes souvenirs, ils vont me rappeler comment on fait la vie quand le jour s’est levé. J’ai peur du pas qui deviendra l’erreur, celui qui bousculera, provoquera l’avalanche, permettra dans ta bouche l’apparition des mots je ne peux pas continuer. Tu m’as dévorée, presque entière. A chaque bouchée je gagne et je perds l’équilibre. Et je fais l’inventaire des morceaux qui…
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Journal de Louve #33 L’éphémère à la peau
Ma peau tapissée de pétales se plisse, je passe dans le jardin, mon cœur papier se froisse. Demain … Je ne sais qui je serai, à quoi sert la prudence, et pourtant je retiens. L’éphémère m’agrippe, dans mon dos, je le sens peser. Je regarde le manège des corolles envolées, j’ai un pied à côté. J’ai plus de confidences nichées au creux de toi, que de confiance en mes pulsions furieuses, je bous de l’intérieur … A chaque envie qui naît, je m’élance à ta bouche, pour rager quelque chose, pour ne pas avoir rien. J’ai faim. Pourtant Je mange comme un moineau en observant le ciel, si derrière le…
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Journal de Louve #32 J’ai peur que la nuit mente
Je ne sais plus écrire des chansons,Ma voix enroulée dans les drapsDicte mes vœux à la bougie. La lumière flotte. Chats sur le lit et dans la gorge,J’ai ma prudence qui se forge,Quand je la sens me recouvrir … Je ne fais plus confiance à la nuit,Vous, croyez-vous que les rôdeursVont vous apporter le meilleurAmi ? Un halo clair se dessine,J’ai peur que la nuit m’assassine,Mais dites-moi, vous que mes rêves,Ne sont pas un espoir qui crève. A la fenêtre de ma cuisine,Je crois qu’elle vient, qu’elle me devine.J’ai récité, avant qu’elle meurtLa volonté de mon bonheur. Comme j’ai peur que la nuit m’emporte,Je la raccompagne à la porteJ’ai fait…
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Journal de Louve #31 Fragile et ténèbres
Fragile, j’ai ta peau qui me brûle. Je me trouve, sous tes doigts, vulnérable et poussière, quand le plaisir est encore enfermé derrière le verrou, que va-t-il advenir si j’ouvre grand la porte, quand je me rappelle avoir regardé ta bouche avec désir, derrière ton sourire, pour la première fois. Tu m’avais demandé si tu me touchais, je n’attendais que ça. On voulait s’amuser. On se baladait en tours de parc, le monde prenait la couleur de nos dires, la forme de nous souhaits. Tu arrivais en retard ou tu n’arrivais pas, j’acceptais tes excuses et je savais toujours que l’on se trouverait, c’est fait. Reste mon ami. Fragile, j’ai…
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Journal de Louve #30 La surdité des êtres
Une ampoule jaunit dans la chambre au parquet. J’écris, j’ai étalé des cartes, ça tourne en rond. Je dis c’est grâce à ceux qui aiment ce que je fais et qui savent me le dire que je reste où je suis. Ce que je veux dire c’est j’aime ce que je fais et considère comme une chance ce que je veux offrir. Mais c’est une once de monde, pas même une cerise sur un arbre alourdi. Il est sourd et ignore. Il dit ça marche bonne nuit. Il y en a d’autres qui aiment faire bien les choses, faire bien leur vie, prendre soin sur la route. Je veux les…
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Journal de Louve #29 J’avale et j’engloutis
J’aspire. A grandir à m’élever à souffrir pour connaître. Je trouve difficile de découvrir la vie comme je l’ignorais. Pauvre petit chat. Je l’avais pourtant sous les doigts, cette vie, sous les pieds, sous les yeux, peut-être trop en dessous de moi, de ma famille. Mes parents me l’ont dit. On n’écoute pas ce qu’on nous dit quand on est une enfant. On écoute plutôt qu’est ce qu’on a fait pour avoir une telle fille, la pression des bonnes notes. On ravale sa peine dans sa chambre pour qu’ils n’insistent pas. Et on colle des images sur les pages de cahiers grands carreaux, on découpe soigneusement les bords imprimés de…
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La fille du train
La fille du train surligne frénétiquement les passages des articles buisness et management, pour s’épanouir dans son job. Portable sur la tablette qui sonne et vibre en assauts frénétiques, pendant que le train roule, elle optimise en pensée son emploi du temps à partir de neuf heures, lancer le café avant d’aller aux toilettes, préparer maintenant la clé, la mettre dans sa poche, plus rapide à sortir une fois devant la porte et puis badger à l’heure, en avance si possible, se montrer impliquée. C’est vrai qu’elle rêve des fêtes qu’elle organise et qu’elle a pensé dans son lit la veille aux arguments qu’il faut pour vendre sa prestation, qu’elle…
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Journal de Louve #28 Renard Rivage
Il étend sa serviette, tout près de la baignoire.S’allonge sur le doux bleu. S’étire. Sa bouche me dit des sourires et ses doigts se baladent où ils en ont envie. Je m’allonge, paisible au ventre, lisse son pelage de ma main. L’air est humide, sa peau est tiède. Ma tête est sous sa tête, je sais qu’il me regardequand il raconteça fait des ondes.Ses récits vont et viennent, ou ne reviennent même pas. C’est un Renard Rivage. Un être où je viens déferler avec une délicate tendresse. Il ne m’appartient pas. Il nous appartient le désir qui nous lie. Je parle quand je veux rendre compte de la couleur qu’a…