Journal de Louve #53 La texture de la vie

J’aime lorsque notre amour s’incline devant le temps long. Je descends jusqu’à la boite aux lettres. Si j’ai du courrier ça va bien se passer.

Mes relations s’enflamment souvent trop vite, je devrais les chanter, mais quand je manque de souffle, le temps de le reprendre, il est trop tard, le mal est fait. Lorsque je redonne de l’air aux braises restantes, elles sont devenues des cendres.

Je pense au petit corps du chat noir qui se balance paisiblement dans la besace entre mes deux poumons que j’ai confectionnée.

J’ai parfois besoin de tout recommencer, redécouvrir la texture de la vie sur mes joues jusqu’aux jambes. Quand les goûts familiers retrouveront ma trace, j’écrirai de nouveau comme j’ai déjà écrit. Retrouver la mémoire c’est aussi l’occasion de terminer un livre.

Je veux me reconnaître. Ca tombe bien si je tombe. Mieux vaudra tout à fait m’accrocher à des pages qu’à laisser les fantômes me courir dans le dos. Et un jour on y est, j’avais tant à faire que j’arrive à la gare pour de bonnes raisons.

Mon allié me porte et parfois je le porte. On aime plus le trajet avec intimité, on a déposé entre nous des brindilles, l’alchimie a œuvré. Doux côte à côte, mot à mot, langue à nuque nous vivons la chaleur qui sait par cœur durer.

Photographie par Sam Lion