Journal de Louve 2025
-
Journal de Louve #82 Le ciel pleure pour moi
Le ciel pleure pour moiet juin m’a mordu fortjusqu’aux doutes. Je me souviens, un instant,tenant la languettede ma chaussure, dans l’herbed’un buffet qui n’était même pas le mienque j’ai éventré pour prendre les tiroirs. J’ai l’épiderme éprisporeuxà l’extérieur, à la viesans pouvoir tout absorber Elle me parle sans que j’écouteune petite fille robe rayée, pousse un landau, un vraiY’a-t-il quelqu’un dedansj’ai l’épiderme hermétiquequi crisse sous les bruyantset le malaise aux lèvresla poussière sous les ongles. Je tente de m’accrocherà un brin d’herbe, une harpe patiente. Le corps collant sali par la sueurde mes gestes gâchés.Et les tempes tirées tant elles ont crié vainTant elles ont crié nues,sans s’en apercevoir Ca…
-
Journal de Louve #81 Rejeter l’écume
Tous les deux, on s’est volés, l’été. L’écume était à portée de doigts. Tu m’as saisie avant elle, contre le rebord. Et j’ai attendu. La mélancolie aux ongles, je crache la marée. Elle est rouge comme les tempes qui cognent avec afflux. Je nourris pour l’été un trouble, un dédain. Et une mélodie sourde qui me berce autant qu’elle hante mes instincts. J’ai l’air bête sur ce pallier, à te dire que je t’aime. Je parle à la fois futur et passé, toi, tu ne m’aidera pas. Nous aurions mieux faitDe ramasser l’écumeA la petite cuillère. Maintenant je crains de n’être qu’abandonnée, mais de des petits morceaux de chair déposées…
-
Journal de Louve #79 J’avais dit merci ou Le courage de la souris blanche
Merci pour l’eau, je l’ai déjà dit et au bleu sur les mains. Merci au Renard qui m’échappe jusqu’au mois de mai. Merci au café au cache-cache avec mes contours. Je suis plus grande maintenant. Merci dormir, trébucher, entrouvrir et veiller, c’est ce qui m’a fait tomber heureuse pour toi. Merci aux muses, celles qu’on invente, celles que l’on trouve dans les romans. Merci Novembre. Rouge. Merci Oursa pour les yeux pleins. La grand-mère, le chahut, les ourlets. Evidement, merci pour hier. Et Merci pour les traces. Merci. J’avais dit Mercipour tenir le mat sur la houlesur le danger Je répète Mercide mes membres furtifset frissonnantsprête à m’enfuirau petit coeur…
-
Journal de Louve #78 Pousser les dupes
par dessus bord.Et elles m’accusent. Se plaignent. c’est la même folie, si l’on en croit leurs diresque hisser des cadavres, et les laisser flottersans amertumeparmi les algues salesA la surface, inanimées. Les dupes sont unanimes.Je crois qu’elles ont sommeil. Je rentre et j’ai ma clé.Il n’a pas de tee-shirt, tout s’est bien passé ?Elle a refusé de signer, je lui réponds.Pour lui c’est cohérent.Et pour cause, si elle accepte,elle ne pourra plus dire qu’elle ne savait pas. Je ne respecterai plus les règles du manège,je descendrai pendant qu’il tourne, si elle ne signe pas,sans attendre l’arrêt complet, sans attendre plus de dégâts. J’enveloppe mon chaton de mes bras.Il a un…
-
Journal de Louve #77 Bien sûr que mon corps tremble
Bien sûr que mon corps tremble. Mouillé. Il est rentré écrire des poèmes plutôt qu’être présent. Je m’occupe de moi. Après je respire aigu, c’est comme une petite fille. Je me sèche dans une serviette qui avale les preuves. J’aurais dumettre mon manteau pour sortiravoir une place numérotéerester pour ceux qui me cherchent et qui trouveront autre chose. Mes croyances s’écrasent.même si je marche avec retenue, ce que je parcours des yeux se tasse et se mélange jusqu’à la boue. J’ai choisi le rose et je l’ai appliqué sur mon corps, j’ai compris ce qui se passe. J’ai étalé un nouveau tapis, plus doux, dans la salle à manger. Je…
-
Journal de Louve #73 Le volcan
A Renard et à la vie dans les rues, J’écris beaucoup et les matins surviennent, de plus en plus à l’heure. La poésie crépite d’abord par fragments. Puis me brûle les doigts. Je me demande si tu l’entend, je me demande si tu dresses encore l’oreilleou si tu passes à côté de moi, fourrure au vent, sans la toucher. Je crois en elle, Ai-je d’autre choix ? Puisque je ne choisis pas comme toi, en premier, l’embuscade et la parole qui attaque en défense – je t’aime et tu es encore un animal sauvage. Même les jours violets, et ceux où la pluie nous empêche de parler,J’ai pris l’initiative et…
-
Journal de Louve #72 Sage Promise
Lettre ouverte à ce qui m'a rendue sage La harpie m'a élevée dans une maison fermée. Je suis son empreinte. A double tour, j'étais. Trop grande pour mon berceau. Elle m'a fait écouter sur un vieux tourne-disque tous les cris des plaintifs, des morts et des vivants. Des années durant. Je ne voyais que la nuit et nos rares promenades entre les arbres et les ombres consistaient à collecter nos doutes et nos regrets dans un petit panier. Un jour à débrousser, je trouve un scarabée se nichant de lui-même au creux de ma main. Ravie, je tente en silence de me présenter à lui, seulement avec mes yeux. Le…
-
Histoire de Louve – Je te sais
Assise sur la pierre, je caressais la mousse de mes pieds nus. Concentrée, je transcrivais ce que me dictaient mes pensées à m’en tendre le poignet. A la fin de la dernière phrase, je levais les yeux de mon carnet, distraite par la conversation de deux mésanges perchées dans les arbres. Un bruissement attira soudain mon regard vers le chêne voisin. Un écureuillon me fixa un instant avant de s’élancer vers un autre tronc. J’esquissai un sourire. Il semblait me suivre depuis déjà plusieurs jours. Je dressai l’oreille et déposais lentement mon carnet sur la pierre, me penchant pour observer en contrebas. Une silhouette se tenait au bord du ruisseau.…
-
Journal de Louve #75 Soliflore
Quand tu prends ma main tout va bien. Je m’enfouis au creux de ton absence. J’ai passé une bonne journée. Et puis j’ai manqué. Depuis ce matin que je n’ai rien mangé, je ne trouve sur le sol que des racines flétries, des résidus de mots plus ou moins doux, plus ou moins en vie. Rien d’autre venant de toi que ta voix dans les branches. Je t’ai cherché, je voudrais t’attraper à bras entiers. Tu sais me rappeler que l’on ne s’épouse pas. Tous les êtres qui s’aiment tendent-ils à mieux s’apprivoiser ? Toi, tu, farouche, échappes à mes visites, prenant garde à ne pas tomber dans mes grands…
-
Journal de Louve #74 – Intact
Au creux de mes mains de mon souffle, de tes rires des rides qui naissent au coin de tes yeux gris, J’ai le souvenir d’un animal blessé Et nous avons dansé Au coin d’une rue, au bord du trottoir, J’avais ramassé un écureuil fané, un stylo quatre couleurs, un peu de mes envies Et je t’ai retrouvé. Maintenant, c’est promis, Pendant que je grandis Je peux veiller sur toi L’été s’est fini, Je sais que ça t’inquiète Je m’y suis agitée mais je suis retournée au pied de l’arbre blanc, l’écorce du cèdre comme on disait avant Tu murmures en silence que jamais rien ne dure Notre amour est intact,…