Journal de Louve 2023
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Journal de Louve #40 Triste et sublime
Je cherche Ton dernier souffle dans l’appartement. Il doit bien être quelque part. J’ouvre la fenêtre La brise légère s’est installée Les vents contraires ont, comme toi, cessé de se faire entendre. Je dépose ma mue Et tu es dedans. Le silence du plafond blanc est rempli des rires que tu m’inspires encore. Mon souffle à moi coupé, Continue Et te trouve partout où je me souviens. Hier c’était la fête C’était beau, c’était toi. Aujourd’hui le chemin c’est gravir c’est le triste et sublime qui me montre l’amour immense que j’ai, qui grandit Et qui est né de toi. Ta vie résonne comme l’air que je chantais au plus…
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Journal de Louve #39 Si « tu » n’est plus matière
Si tu n’est plus matière, il devient un trésor et devient infini. Il court à se nicher au creux de ma poitrine, au profond de ma vie. Il sait se faufiler dans mes poils hérissés. Tu est bien plus duveteux que les mots imprimés sur papier blanc ou crème, a des cheveux qui ondoient crépuscule quand des lettres se figent, le pelage d’un caneton, je sais que ça vaut plus. J’aime mettre mes doigts dedans, caresser son museau du bout de mon nez. Tu m’a donné l’élan. A son contact je redeviens dense ou je redeviens danse. Tu m’a longtemps aidée à vivre-écrire, sans que l’un, de l’autre, ne soit…
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Journal de Louve #38 La proie et l’autre imaginaire
Je joue à cache-cache dans les herbes hautes. En ce moment, j’ai tendance musaraigne. Nécessairement, si je m’éloigne des rives un peu trop longtemps, l’eau et ses souillures que j’avale malgré moi agglutinent mon pelage en petits amas gris. Pourtant, j’entends le fond de la nature fredonner une chanson que j’ai cru inventer. N’ayant aucun souvenir de qui me l’a apprise, j’ai pensé, prétentieuse, qu’elle provenait de moi. Je crois que je n’ai rien imaginé moi-même, j’ai seulement récolté, ramassé et gardé ce qui me rassurait. Mes poches sont pleines. A présent j’en suis sûre, l’air vient d’un arbre creux, d’un bébé écureuil, d’un bruissement de feuillages ou d’un croassement.…
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Journal de Louve #37 Faire semblant c’est mentir
Amoché, mon corps se tortille pour entrer quelque part, pas trop inconfortable, où l’on voudra de lui. Dans les moments où la cascade vomitive s’entretient, je me vois comme une greffe sur le monde, une greffe qui ne prend pas. Je cherche l’harmonie, jusqu’où c’est encore moi qui m’abime dans ce décors sinistre ? Y-t-il un moment ou même plusieurs, soyons audacieux, où faire ma part me fera voir un merveilleux manège et non le cimetière des êtres éclopés. Nous sommes des personnes blessées. Je dissimule. J’entends de nouveau une source couler. Quand je parle ainsi autant par les images, ça fait comme une musique. Je me revois avec une…
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Journal de Louve #36 Avant j’étais un corbeau
Avant, j’étais un corbeau. Je construisais ma chambre avec des brindilles. Je chantais. On me louait souvent mon plumage sauvage aux reflets bleutés.Je rêvais de m’envoler dans des villes que je m’imaginais. J’aurais chanté pour des fêtes, des mariages, des anniversaires pour toutes les autres espèces d’oiseaux. Le grand corbeau perché sur la cime de notre arbre était comme un prophète. Il incitait les autres à venir se confier, on pouvait tout lui dire, selon ses sages paroles. Je m’enquis de lui révéler mon souhait, un soir où la lumière du soleil inondait notre parc d’une aura poétique et m’avait donné l’élan de partager mon rêve. Tu veux dire que…
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Journal de Louve #35 Sorcière du printemps
Le printemps m’ensorcèle. Mon premier papillon. La magie m’appelle en me parcourant, les poils se hérissent sur mes bras. Je sors. Je prends comme des signes les fissures sur les murs, mon amie par hasard et le toit recouvert de tuiles alignées. L’herbe est haute, je lève les pieds, mes bottes parcourent. A chaque pas je puise les pensées qui me font respirer. J’ai la fantaisie et le jeu avec moi. Comme une loutre. Mes chats s’amusent et puis s’endorment. Je dépose mon visage sur leur flanc fourni, l’odeur de la lessive. L’une, un peu plus tôt, a du s’installer dans la buanderie. J’évite les ennuis, je sais faire, sans…
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Journal de Louve #34 Pensées ennemies
J’ai le doute au corps. Les pensées ennemies ont envahi mon monde, l’érosion continue. Nous n’avons pas le temps. L’hésitation grésille et je ne parviens pas à te la faire entendre. Je me lève, le matin, c’est sans savoir marcher. Je titube, salle de bain, j’essaie automatique, de mâcher mes souvenirs, ils vont me rappeler comment on fait la vie quand le jour s’est levé. J’ai peur du pas qui deviendra l’erreur, celui qui bousculera, provoquera l’avalanche, permettra dans ta bouche l’apparition des mots je ne peux pas continuer. Tu m’as dévorée, presque entière. A chaque bouchée je gagne et je perds l’équilibre. Et je fais l’inventaire des morceaux qui…
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Journal de Louve #33 L’éphémère à la peau
Ma peau tapissée de pétales se plisse, je passe dans le jardin, mon cœur papier se froisse. Demain … Je ne sais qui je serai, à quoi sert la prudence, et pourtant je retiens. L’éphémère m’agrippe, dans mon dos, je le sens peser. Je regarde le manège des corolles envolées, j’ai un pied à côté. J’ai plus de confidences nichées au creux de toi, que de confiance en mes pulsions furieuses, je bous de l’intérieur … A chaque envie qui naît, je m’élance à ta bouche, pour rager quelque chose, pour ne pas avoir rien. J’ai faim. Pourtant Je mange comme un moineau en observant le ciel, si derrière le…
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Journal de Louve #32 J’ai peur que la nuit mente
Je ne sais plus écrire des chansons,Ma voix enroulée dans les drapsDicte mes vœux à la bougie. La lumière flotte. Chats sur le lit et dans la gorge,J’ai ma prudence qui se forge,Quand je la sens me recouvrir … Je ne fais plus confiance à la nuit,Vous, croyez-vous que les rôdeursVont vous apporter le meilleurAmi ? Un halo clair se dessine,J’ai peur que la nuit m’assassine,Mais dites-moi, vous que mes rêves,Ne sont pas un espoir qui crève. A la fenêtre de ma cuisine,Je crois qu’elle vient, qu’elle me devine.J’ai récité, avant qu’elle meurtLa volonté de mon bonheur. Comme j’ai peur que la nuit m’emporte,Je la raccompagne à la porteJ’ai fait…
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Journal de Louve #31 Fragile et ténèbres
Fragile, j’ai ta peau qui me brûle. Je me trouve, sous tes doigts, vulnérable et poussière, quand le plaisir est encore enfermé derrière le verrou, que va-t-il advenir si j’ouvre grand la porte, quand je me rappelle avoir regardé ta bouche avec désir, derrière ton sourire, pour la première fois. Tu m’avais demandé si tu me touchais, je n’attendais que ça. On voulait s’amuser. On se baladait en tours de parc, le monde prenait la couleur de nos dires, la forme de nous souhaits. Tu arrivais en retard ou tu n’arrivais pas, j’acceptais tes excuses et je savais toujours que l’on se trouverait, c’est fait. Reste mon ami. Fragile, j’ai…