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Des histoires de vrai – Toute une vie sans se voir
C’est une histoire de vrai, inspirée d’une histoire, elle-même inspirée d’une autre histoire de vrai. D’où vient ce sentiment bizarre que je suis seule. Au chaud ballotée par le train, on arrive à Paris, la bruine sur les lunettes qui me donnent l’air à la fois plus jeune et plus studieux. Au moins, avec, je vois mieux. Je suis sur la banquette de l’accueil de l’hôtel, au téléphone. Je vivrai bien des heures à t’envoyer quelques mots d’amour tout ce temps que tu es loin. Paris, partout, c’est trop petit. On est toujours engoncés entre les tables, contre un comptoir, au café, au réveil, dans la douche. Quand après avoir…
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Introduction – Je te cherche
J’ai un rêve. Il s’agit d’incarner ma personne idéale. Dans mon esprit, elle ressemble à la reine des neiges. Il me fallait une princesse pour représenter ce à quoi j’aspire, ce qui me donnera envie assez pour m’appliquer longtemps avec persévérance et avec enthousiasme. Etat des lieux Je te cherchePour toi j’irai partoutJe te chercheMontre toiToi qui hante mes jours et mes nuits depuis longtempsJe te cherche, j’ai besoin de toi La reine des neiges Le but est de ressentir le moins d’écart possible entre ma personne idéale et moi. C’est une idée du renard, qu’il m’a délivrée à un moment où je m’interrogeais particulièrement sur l’éthique. Une chose essentielle…
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Journal de Louve #55 Minuit moins toi
Je descends, meurtrie, l’escalier de maison. Les pieds dans la poussière. Avant minuit, tu es doux avec moi, tu vas me rapporter ma pantoufle de verre. Je me demande pourtant parfois si tu me préfères riante ou bien blessée, les soirs de bal où nos angoisses mêlées ont éclaboussé les murs. Des personnes étaient là. Je suis effrayée de mes fausses notes lorsque je sais qu’elles te seront servies à boire. Car je sais que tu juges les tiennes comme un crime et que je ne pourrai pas en parler autrement. Mes faiblesses, tu les récupères toutes, sans que je n’ai eu le temps de les laisser traîner. Tu m’enfonces…
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Journal de Louve #54 Abimée
Désormais abîmée végétale, dommage d’avoir abîmé le monde, une vraie maman dirait ça va passer. Les feuilles sont mortes. Dans mes paumes. Ca pique un peu quand je consulte mes livres, mais je dois surtout bien apprendre ma leçon. Je n’y arrive pas, j’ai cette tête rocailleuse de ne pas accepter si je n’ai pas compris. Est-ce que je peux faire comme si ? Mon torse est effondré. Mes idées bousculées se rangent petit à petit sur l’étagère des jours. J’ai trop cassé, été violente et je le sais. J’en veux trop au monde pour m’en vouloir assez. J’en veux trop au monde sinon je lui tomberai si fort dessus…
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Journal de Louve #53 La texture de la vie
J’aime lorsque notre amour s’incline devant le temps long. Je descends jusqu’à la boite aux lettres. Si j’ai du courrier ça va bien se passer. Mes relations s’enflamment souvent trop vite, je devrais les chanter, mais quand je manque de souffle, le temps de le reprendre, il est trop tard, le mal est fait. Lorsque je redonne de l’air aux braises restantes, elles sont devenues des cendres. Je pense au petit corps du chat noir qui se balance paisiblement dans la besace entre mes deux poumons que j’ai confectionnée. J’ai parfois besoin de tout recommencer, redécouvrir la texture de la vie sur mes joues jusqu’aux jambes. Quand les goûts familiers…
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Journal de Louve #52 Lutte contre les grains de sable
Je lutte contre les grains de sable, contre la colère, le rance, l’amertume. Quand j’ai peur qu’il se fâche, je choisis d’ignorer. Quand j’ai peur de blesser, je me griffe au visage pour garder paupières closes. Pour ne rien prononcer, je m’en mordrais la langue. Ca envoie les efflues de la marée qui monte. A vomir ma tristesse, il ne reste que honte. Pourtant j’avais déclaré n’aller plus à la plage. Je m’embourbe désormais dans le sable pâteux. J’en ai plein les chaussures et comme le sable est sale elles sont bonnes à jeter. Je lutte contre les grains de sable, je ne peux les compter. Tandis que je suis…
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Journal de Louve #51 Naïve cruelle
Je sors de la librairie. Soixante-neuf euros de livres. Autour de moi pour l’instant personne ne sait que Louve lit. C’est la Saint Valentin. J’ai eu envie de rendre service, de faire plaisir, de plaire, je ne sais où ça s’arrête. Etre agréable aux autres. C’est une plus value et l’un de mes instincts vils. Moi aussi d’ailleurs, on me donne des coups de mains. On fait pour moi et je vous dois bien ça. D’autres me sont agréables, mais eux savent marcher seulement sur le trottoir. Sans la main de personne, les hurlements contenus battent frénétiquement du pied, et me mettent en danger. Je suis en plein la rue.…
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Journal de Louve #50 La place pour une baleine stellaire
Je fais mon lit. Tous les jours, dans le même ordre. D’abord j’ouvre les yeux sur l’armoire qui grince, un jour elle s’ouvrira sur un autre monde. J’ouvre la fenêtre. Je parle aux chats et aux oiseaux pour qu’ils fassent bon ménage. Je déplie mes vêtements, c’est là que je fais mon lit. Je délaye du lait d’avoine dans une tasse de thé vert. J’écris toujours habillée. Hier, un renard de bonne humeur m’a rapporté un peu de son butin. Je le grignote à l’aube. La poésie a ceci de particulier : elle dit d’autres façon ce que l’on pourrait dire en prenant le train, c’est ce qui la fait…
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Journal de Louve #49 Dans la chambre, en chaussures
Elle dit à la radio l’intelligence artificielle c’est regrettable. L’homme a dessiné tout un livre avec. Il ne savait qu’écrire et ne pouvait pas depuis tout ce temps mettre son histoire en images. En trois semaines il a tout créé et il vend beaucoup son livre. Elle donne les chiffres et dates de parution. Il reçoit aussi beaucoup de commentaires qui l’insultent. Elle ne cite pas d’insultes. Je ne sais pas ce que j’en pense. D’abord, soulagée de me permettre de ne pas avoir besoin d’en penser quelque chose. Au fur et à mesure que je roule en voiture, elle continue à raconter l’histoire du sabotage de l’art par Midjourney.…
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Journal de Louve #48 Vague à l’autre
Je suis du soir plus que du matin. Longtemps mes rêves distillent leur substance floue, brouillent ma clairvoyance. Je me sens une autre, par vagues, une créature qui se réveille sans savoir qui elle est, ni ce qu’elle a fait dans cet autre monde. Les tasses s’entrechoquent. Les odeurs m’imprègnent. Deux doses. Café moulu. Je retourne en chaussettes jusqu’à la chambre. Me sers dans la penderie, cherche à quoi ressembler. La nuit je dois être barbare ou assassine. Quand le jour commence, mon lit révèle toujours des souvenirs de brutalité. C’est mon secret. Je voudrais trouver refuge dans le bruit des autres. Atténuer mes vagues, n’avoir qu’à écouter. La douceur,…