Journal de Louve 2024
-
Journal de Louve #62 Intermittent du chaos
Tu m’as avoué que j’habitais ta têteà en creuser des galeriesJ’ai du abîmer, quand j’y ai fait la fêtetes quelques recoins d’ennui. Tu as porté plainte, quand tu étais l’ami.Pour ça, pardon.Tu dis, y’a prescription.Tu as porté une bouteille à ta bouche.Tu t’es enfoui.A ta façon. C’est la nuit,dans ton corpsle sursis.Le lendemain on recommence.C’est la vie, c’est immense.C’est l’instant, mais longtempset t’as fait valser mes affaires.T’es en colèreet puis t’es beau.T’es intermittent du chaos. Tu m’as volé avec mes vêtementsdes petits bouts de théorie.Ma peau est arrachée maintenant que tu y as mis les dents.Tu t’en caches mais tu me souris.Tes ongles posés sur les fentes ont fait taire…
-
Journal de Louve #61 Réflexion
Non jamais, je ne cesse ma réflexion et si je la veux pour amie, je dois lui laisser la place qui lui revient. Je passe des étendues d’heures dans le nid bien à l’abris derrière mon front à laisser aller cascade ce qui doit se penser. Je le sais, j’ai les cheveux Louve et cette vie qui m’habite. Je ne l’avale jamais tout à fait assez grand. Cette vie n’est pas pour moi, celle où je ne peux rien dire, où j’ai la camisole à la bouche. Je bascule entre les cris d’une furie et le silence des profondeurs de l’eau où plus personne ne vit. Je ne comprends pas…
-
Journal de Louve #60 – Enjeux de notre temps
J’ai fait des tours. J’me demande. Quelqu’un quelque part pourrait il t’apaiser ? J’ai garé la voiture, apporté des croissants. Tu manges comme un moineau mais tu grognes, prédateur. Alors je t’installe contre moi, tu m’as beaucoup regardée. Je t’ai serré. On s’est ordonnés ou bien demandés me quitte pas et non, toi me quitte pas. On se l’est dit désormais, on est une meute. Mais quand je te vois, que tu bouges pas. Sous ton front j’imagine à peine une once de ce qui crépite. Et je lis dans ton regard inquiet les horreurs que tu récites. Tu te sens coupable, tu déformes les infos en scénarios du pire.…
-
Journal de Louve #59 Arracher les corps
Je me jette, oui, dedans. Parce que je trébuche, parce que je me trompe. Parce que je dois. Je m’enfouis dans les autres. Je m’y perds, après. Il faut que je m’y confonde à peu près, dès les premières rencontres. Il faut, si désespérée, que je halète d’avoir couru si vite, fusionner si fort. Je veux rentrer dans les pensées, dans la poche, dans le corps. Je veux trouver l’autre et qu’il me trouve aussi. Puis à force de dire, à force de vivre, des petits bouts de réel ne s’alignent pas. Il y a des ruptures, des frottements qui accrochent. Et plus on se voit, et plus nos corps…
-
Journal de Louve #58 J’ai oublié l’ami
Tu m’avais prévenue. Tu me l’as répété. Ainsi quand je déverse au bord du lit de tout ce qui déborde de moi, que personne d’autre ne voit plus, depuis que mes parents ne sont plus ma berceuse, Tu prends une voix douce et ma main, délicatement, pour me rappeler, une fois qui aidera, parmi toutes les autres, « Je suis allié, je suis renard, je suis ami. » J’ai omis de t’apprivoiser et ainsi je t’abime. Ainsi à m’épancher comme si tu devenais le vase et moi toutes les gouttes qu’il contient, toutes les gouttes de trop. Tu l’as dit. Je suis comme l’eau. Et sans contenant, je ne connais pas de…
-
Journal de Louve #57 Refleurir
Idée définitive, je ne suis pas perdue dans mes sensations. Je suis habillée de mes pétales éthiques, comme chacun, encore à ajuster. A moi d’être assurée. Et ne laisser personne m’arracher ma corolle. Comment ne plus me laisser grignoter par les doutes, sans me tenir à l’écart de toutes les autres espèces. Je n’ai pas à me dire que je ne peux parler qu’aux fleurs de ma nature. J’ai envie d’autres voix. Encore ai-je besoin de savoir garder calme et de pousser de longs temps dans des refuges. Les refuges sont moi-même ou bien sont des personnes qui ont le cœur très doux à mon égard. C’est toujours réciproque. Je…
-
Journal de Louve #56 Humaine blafarde
Je vais le vendredi soir descendre l’écran à l’aide d’un escabeau. Je n’ai plus qu’à projeter en public ce que j’ai de plus enfoui, ça se fait naturellement. Je ne sais plus parfois lorsque je fais ce que j’aime, si ce que j’ai puisé de mon identité s’est gâché en un rôle. Peut-on s’abîmer, sans l’avoir fait exprès, pour se donner à voir ? Je vais souvent à la fin m’écrouler des ébats purgatoires. Ce n’est jamais assez car j’ai faim de ta part d’un regard sur moi dont je n’atteins pas, même en tendant mes bras le plus loin que je peux, la substance. J’agrippe tes cheveux, j’aime quand…
-
Journal de Louve #55 Minuit moins toi
Je descends, meurtrie, l’escalier de maison. Les pieds dans la poussière. Avant minuit, tu es doux avec moi, tu vas me rapporter ma pantoufle de verre. Je me demande pourtant parfois si tu me préfères riante ou bien blessée, les soirs de bal où nos angoisses mêlées ont éclaboussé les murs. Des personnes étaient là. Je suis effrayée de mes fausses notes lorsque je sais qu’elles te seront servies à boire. Car je sais que tu juges les tiennes comme un crime et que je ne pourrai pas en parler autrement. Mes faiblesses, tu les récupères toutes, sans que je n’ai eu le temps de les laisser traîner. Tu m’enfonces…
-
Journal de Louve #54 Abimée
Désormais abîmée végétale, dommage d’avoir abîmé le monde, une vraie maman dirait ça va passer. Les feuilles sont mortes. Dans mes paumes. Ca pique un peu quand je consulte mes livres, mais je dois surtout bien apprendre ma leçon. Je n’y arrive pas, j’ai cette tête rocailleuse de ne pas accepter si je n’ai pas compris. Est-ce que je peux faire comme si ? Mon torse est effondré. Mes idées bousculées se rangent petit à petit sur l’étagère des jours. J’ai trop cassé, été violente et je le sais. J’en veux trop au monde pour m’en vouloir assez. J’en veux trop au monde sinon je lui tomberai si fort dessus…
-
Journal de Louve #53 La texture de la vie
J’aime lorsque notre amour s’incline devant le temps long. Je descends jusqu’à la boite aux lettres. Si j’ai du courrier ça va bien se passer. Mes relations s’enflamment souvent trop vite, je devrais les chanter, mais quand je manque de souffle, le temps de le reprendre, il est trop tard, le mal est fait. Lorsque je redonne de l’air aux braises restantes, elles sont devenues des cendres. Je pense au petit corps du chat noir qui se balance paisiblement dans la besace entre mes deux poumons que j’ai confectionnée. J’ai parfois besoin de tout recommencer, redécouvrir la texture de la vie sur mes joues jusqu’aux jambes. Quand les goûts familiers…