Journal de Louve 2024

Journal de Louve #57 Refleurir

Idée définitive, je ne suis pas perdue dans mes sensations.

Je suis habillée de mes pétales éthiques, comme chacun, encore à ajuster.

A moi d’être assurée.

Et ne laisser personne m’arracher ma corolle.

Comment ne plus me laisser grignoter par les doutes, sans me tenir à l’écart de toutes les autres espèces.

Je n’ai pas à me dire que je ne peux parler qu’aux fleurs de ma nature. J’ai envie d’autres voix. Encore ai-je besoin de savoir garder calme et de pousser de longs temps dans des refuges. Les refuges sont moi-même ou bien sont des personnes qui ont le cœur très doux à mon égard. C’est toujours réciproque.

Je n’ai à changer ce qui me tient à cœur pour personne. Je ne veux plus jouer le jeu de multiples êtres qui font en fonction des désirs. J’apprends m’appliquer consentement.

Après un mois.

J’ai rangé ma maison. Et changé la plupart de mes meubles de place. J’ai d’abord compris que je voulais me nourrir à une sève studieuse, que ça a de la valeur. Faire les choses en leur temps. J’ai cultivé les doutes. Heureusement, le climat encore froid d’avril ne les a pas tous fait éclore. Des racines affectueuses se tissent dans le petit jardin, la jungle a émergé. Il a poussé des Habitudes, des Envies, et des premières espèces de Tempérance que je ne me souviens pas avoir plantées.

Je vais voir tous les jours. Je passe beaucoup de temps seule. A écrire ; à réfléchir ; à m’amuser.

Je me tais plus souvent. J’ai arrêté le café.

Je pense à toi, le meilleur ami avec qui je veux nourrir prairie d’éternité. Je pense à tous mes vœux que j’omets encore de respecter pour devenir un désir d’un cœur aléatoire un peu trop proche de moi à qui je m’accroche soudain, lorsque je sens flottement.

Des racines affectueuses se tissent au creux de l’estomac, se prolongent dans mes jambes, courent dans mes journées. Lorsqu’elles me montrent ainsi chemin, j’exhausse mieux mes vœux d’être une femme courageuse, de respecter mon cœur, ma parole d’être honnête. Je n’oublie pas renard, la figure de la gardienne, celle que tu m’as glapie murmurée à l’oreille. Je ne dois plus la trahir, mais il arrive encore que la raison me tombe des paumes quand j’ai peur qu’on m’oublie.

Je suis seule dans ma chambre, j’ai ma couverture bleue, je suis écrasée sous le poids du sérieux. Je suis terrorisée que tu ne penses pas à moi, ou alors pas assez. C’est mon pétale cruel : je préfère me servir au creux de ta poitrine, voleuse plutôt que reine, pour que l’on se rappelle, plutôt que de frémir une seconde infinie d’être recroquevillée, cachée au yeux du monde, que le monde s’habitue. On pourrait découvrir mon corps enseveli après beaucoup d’années.

J’écoute et j’imagine les pensées d’autres espèces, fort au dessus des miennes. J’ai bien tord de leur donner suprématie totale. Comme si leurs ressentis valaient pour dictature, que je dois obéir aux maux qui muent les autres. Même quand ils viennent de moi.

Je me prends pour une fleur en parlant de sagesse. Et sagesse signifie agir, connaître et puis aimer la vie. Il vaudra mieux cesser tout blanc ressentiment s’installer en imperceptible. Il vaudra mieux exploser encore, foirer encore, mordre encore, agressive encore et passionner encore, mais surtout terminer de macérer pour pouvoir grandir. J’ai vu la petite guerre s’attacher à mon quotidien. J’ai inspiré drame des autres, joué, participé, et puis l’ai insufflé. J’ai étudié la botanique relationnelle des livres et du terrain, j’ai joint les feuilles de la théorie et de l’expérience en un bouquet. J’ai mis de l’eau dans le vase et déposé dedans. J’arrive à quelque chose de beau.

Après avril. Je dois attraper la fleur de Furie avant qu’elle ne s’échappe lorsqu’elle sent la menace d’un climat qui peut trop l’abimer. Je dois la protéger, prendre une inspiration, penser à ce qui est, dire avec précision ce que la gardienne dit.

Je me tais plus souvent. J’ai parsemé les graines au hasard, un peu comme dans une fête où l’on ne connaît personne.

Lorsque je n’attendrai plus que l’on me regarde, lorsque je n’attendrai plus que l’on vienne me chercher sous ma couverture, les espèces bénéfiques seront sûrement plus nombreuses à pousser.

Photographie : Cottombro

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