Les chroniques,  Rituels littéraires

Corpus #9 Rituels de correspondance

Pourquoi s’écrire ce que l’on peut se dire ?
Nous possédons un grand nombre d’outils faisant le choix du caractère instantané du langage : On se voit, on s’appelle, on enregistre sa voix pour l’envoyer par téléphone, ou l’on rédige rapidement un sms en marchant dans la rue …

Le langage écrit, lui, se pose en prenant le temps, il peut devenir un rituel à part entière lorsque l’on plante le décor et qu’on le vit pleinement. L’odeur du papier, le léger mouvement de la plume qui gratte sur le blanc, suit le fil de nos pensées … Tout cela nous accompagne avec musique, bougies, le confort du fauteuil, une tasse de café.

Voici quatre rituels littéraires auxquels vous adonner si vous souhaitez renouer avec la correspondance.

Ecrire à un ami

Les Singuliers – Anne Percin

Proposez à un ami d’entretenir une longue correspondance durant des mois voire des années. A cette occasion, récupérez toutes sortes de papiers, sortez de votre tiroir vos plus joli feutres et confectionnez une boîte contenant tout ce que vous souhaiterez consacrer à cette correspondance.

A l’instar des artistes qui s’écrivent dans le roman d’Anne Percin, vous pouvez parler d’art et philosopher sur de nombreux sujets, confier vos projets et livrer vos ressentis à votre ami qui en fera sûrement de même.

Les mots silencieux figurant sur la lettre sauront mieux que vous ne le croyez incarner sa présence. Vous serez impatient d’ouvrir votre boîte aux lettres ou surpris lorsque vous ne pensiez plus à cette correspondance.

Entretenir des correspondances participe à créer de belles petites joies dans sa vie quotidienne et à entrer en connexion intime avec des personnes de qui l’on aime se sentir proche.

Transmettre un message

Lettres aux jeunes poétesses

Chaque autrice propose sa version d’une lettre à une jeune poétesse. S’engager dans un sujet, écrire ce que l’on voudrait pouvoir crier du haut d’une colline, c’est à la fois parler à tout le monde et à personne. C’est le procédé des artistes qui écrivent à « toi » dans une chanson.

Ce projet consiste à écrire pour exprimer voire expulser ses pensées. Le brouillon est permis, on peut déchirer ou diffuser à grande échelle.

A vous de transmettre votre message : aux poètes, aux artistes, aux personnes puissantes, aux personnes qui ne vous écouteront pas, qui ne vous liront pas, à celles qui n’aiment pas le bleu, qui aiment manger avec les doigts ou à celles qui cherchent le sens, le courage et qui parfois l’ont trouvé.

Ecrire avec cette intention rangera vos pensées, vous aidera à vous centrer en vous déchargeant de votre message. Une fois terminé détruisez-le ou diffusez-le à votre convenance.

Dire pour taire et taire pour dire

Lettres d’amour sans le dire – Amanda Sthers

Parfois l’on passe du temps à réfléchir à sa manière de s’exprimer. Reflète-t-elle vraiment exactement nos intentions et nos pensées ?

On commence alors à nager dans les courants de métalangage et de poésie. On cherche de nouvelles manières de dire, en mieux, ce que l’on aurait exprimé sous la forme d’expression convenue.

Au quotidien, c’est comme si l’on alignait de petites étiquettes. Une conversation consiste parfois à placer des formules pré-écrites en fonction ce que l’on pioche dans la banque de son esprit : « Bonjour » – « Comment allez-vous ? » « Vous avez passé un bon week-end ? ». Les expressions figées sont d’extraordinaires étiquettes qui peuvent sortir régulièrement précédant notre cerveau et nous empêchent de créer un lien profond de réflexion entre les pensées et les paroles : « Oh, de toute façon, les goûts et les couleurs », « Chacun fait bien ce qu’il veut ! ».

Et si l’on jouait à y prêter attention ?

Si l’on pouvait parfois taire ces expressions spontanées et dire autrement, plus précisément ce que l’on aurait exprimé ? On cherche un autre chemin pour relier sa parole à ses pensées, ou pour penser plus loin.

Si l’on pouvait parfois aussi, inversement, dire ce que l’on voudrait taire, cesser la pudeur de l’esprit, essayer la confiance et parler clair et vrai, serait-on surpris de ce qui émanerait de nous dans nos conversations ?

A vous de jouer ! Comme le projet du livre, écrivez une lettre pour déclarer votre amour sans le dire explicitement et n’y parlez que de vous et de votre quotidien. C’est paradoxalement ainsi que vous vous exprimerez plus vrai sur votre expérience et sur vos sentiments. Et en passant sous silence les « je t’aime » habituels, en ne le disant pas, vous l’exprimerez mieux.

Photographie de Ian Taylor

Se surprendre et finalement se trouver

Je suis ton soleil – Marie Pavlenko

Ce roman plein de charme et d’humour retrace les rituels précédents présentés dans cet article : les amis s’y écrivent, s’expriment leurs ressentis. Et dans cette manière de transmettre leurs messages, ils découvrent sur eux et leur vision du monde.

La correspondance, cela peut être à la fois sérieux et léger.

Essayez.

Amusez-vous à écrire des lettres fantaisistes, surprenez vous et surprenez votre destinataire : peignez sur l’enveloppe, ajoutez-y des confettis, des objets collectés. Jouez à créer des lettres que vous n’auriez jamais imaginé recevoir, envoyez des choses que vous penseriez ne jamais voir arriver à destination. Croyez-moi sur parole, beaucoup d’ovnis postaux arrivent tout à fait à destination !

C’est en élargissant le champ de vos expériences, sans pudeur, sans timidité que vous allez trouver de nouvelles manières d’être vous, et certaines vous plairont.

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