Journal de Louve 2025

Journal de Louve #78 Pousser les dupes

par dessus bord.
Et elles m’accusent. Se plaignent.

c’est la même folie, si l’on en croit leurs dires
que hisser des cadavres, et les laisser flotter
sans amertume
parmi les algues sales
A la surface, inanimées.

Les dupes sont unanimes.
Je crois qu’elles ont sommeil.

Je rentre et j’ai ma clé.
Il n’a pas de tee-shirt, tout s’est bien passé ?
Elle a refusé de signer, je lui réponds.
Pour lui c’est cohérent.
Et pour cause, si elle accepte,
elle ne pourra plus dire qu’elle ne savait pas.

Je ne respecterai plus les règles du manège,
je descendrai pendant qu’il tourne, si elle ne signe pas,
sans attendre l’arrêt complet, sans attendre plus de dégâts.

J’enveloppe mon chaton de mes bras.
Il a un an et il ronronne.

Au croisement des lignes des carreaux du carrelage,
dans la cuisine
je me sens baignée d’une mer tiède
et je sais y nager.

Des vertiges agréables atteignent mes tempes,
et derrière mes yeux
dansent
les ombres de mes journées,
Je joue à sauter dedans.

J’ai appris à me méfier de la mer qui berce
autant que j’ai appris à la braver.

Je lui confie
C’est drôle. Ca veut dire à la fois
c’est curieux et déstabilisant,
mais le choix du mot permet de trouver ça léger.
Je me demande lorsque que le vertige me visite
c’est ça ma vie ? Je suis dedans.

Ah oui.

Il sourit et du coup, je n’ai pas de réponse.
Le reste est non traduit.
C’est important de sourire,
c’est peut-être aussi tout ce dont j’ai besoin.

Le monstre sous mon lit profite de la marée,
pour retrouver le chemin jusqu’à mes tempes.
Il lance la rumeur que la houle
apportera les plaies.

Il est vrai que bientôt la mer deviendra rouge,
puisqu’on sera l’été. Mais cette fois j’ai choisi d’observer l’illusion.

Je ne sais pas si c’est toujours la mer qui pourrit ou moi qui acceptait de rester trop longtemps où l’eau pouvait croupir, sans vérifier. Comme il me l’a dit, je ne sais pas toujours quoi en penser lorsque vient la marée, mais après quelque temps, je ne reste jamais où le sel me ronge, même alors que j’ai pieds. Ne pas regarder, il y a un moment où cela nous protège et un moment où cela nuit.

Quel est ce moment ?

Si même la lune ment, je me sens coupable.
d’avoir poussé les dupes en dehors du manège.
Elles ont crié comme si j’arrachais leurs cheveux de mes mains.

Le manège continue, avec ceux qui s’accrochent aux chevaux
qui montent et qui descendent comme des forcenés
leurs hennissements figés
chantant C’est pas ma faute.
Personne ne donne sa langue au chat pour trouver une réponse.

Je vois les autres
épuisés, fatigués comme après un long voyage,
des dupes amochées remuant de rue en rue
qui deviennent machines
au fur et à mesure qu’elles tournent sur elles-mêmes
on oublié le manège.

J’aimerais comprendre mais leurs bouches dégoulinent,
alors je renonce. Sans attendre l’arrêt complet quitte à riper mes genoux.
Je garde les croquis du bestiaire, rangés dans ma mémoire.

Je vais fréquenter un temps des espèces plus avenantes.

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