
Journal de Louve #77 Bien sûr que mon corps tremble
Bien sûr que mon corps tremble.
Mouillé.
Il est rentré écrire des poèmes plutôt qu’être présent.
Je m’occupe de moi. Après je respire aigu, c’est comme une petite fille. Je me sèche dans une serviette qui avale les preuves.
J’aurais du
mettre mon manteau pour sortir
avoir une place numérotée
rester pour ceux qui me cherchent et qui trouveront autre chose.
Mes croyances s’écrasent.
même si je marche avec retenue, ce que je parcours des yeux se tasse et se mélange jusqu’à la boue.
J’ai choisi le rose et je l’ai appliqué sur mon corps, j’ai compris ce qui se passe.
J’ai étalé un nouveau tapis, plus doux, dans la salle à manger. Je n’ose plus rien poser dessus. Je retiens chaque mot que l’on pourrait entendre, et ma poitrine alors, en fabrique
de moins en moins.
Après froissée, je me déplie.
J’ai peur de nouveau de sortir dans la rue
Entre les murs humides, les mots fuyants et les boîtes vides, même en vérifiant.
Bien sûr que mon corps tremble.
Votre histoire est bancale et les graines piétinées sous vos pas
pour que plus rien ne germe
puisque l’heure est rouillée et qu’en plus il faut dire merci ou se taire minimum
Puis retenir sa respiration.
Votre violence de toute évidence n’existe pas
tant que vous mentez en commun,
répétez entre vous que personne ne l’a vue.
Vous ne mettrez pas
le fer aux poignets de ceux qui trottinent
la brutalité sous mon nouveau tapis.
Je peigne mon corps entier, à présent il peut se réchauffer.
Je me déplie.
J’ai le droit d’être en guerre en même temps qu’être douce, je lève la tête vers les horizons plus dignes de confiance. Je n’ai personne à rencontrer pour ne pas oublier, je ne fais pas vos devoirs. Je dois répondre à d’autres appels, les vivants.
Bien sûre que mon corps tremble, parfois se recroqueville, mais aussi se déploie. Et si par un hasard moqueur, repassait par chez vous, il reconnaitra le bruit des moisissures et dans quelques années ne trouvera que des os.
Il frissonnera sûrement, remarquant le plaisir mêlé aux poils hérissés de frayeur, se souvenant qu’inondé, tremblant, il a goûté au courage de ne pas renoncer à parler aux mésanges davantage qu’aux cadavres.
Image : Tan Danh sur Pexels

