Journal de Louve #41 Je suis l’affront
Il fut un temps où je faisais dans ma tête ritournelle de ces mots « alors hurle en puissance ». Seulement, je les disais seule.
J’ai fais des années, trébucher dans les briques, à œuvrer sur ma peau glaise. A me façonner mieux, même si cela devait parfois me teinter de triste et me mener les yeux grands ouverts devant les champs de batailles de mon époque. J’ai vu. Peu mais un peu.
J’en suis furie, c’est vrai, et on dirait que furie donne le droit parce que je suis une femme de dire hystérique, parce que je semble jeune de dire idéaliste, parce que je suis sincère de dire provocatrice, parce que je suis gardienne, dire désobéissante.
Parce que je suis expressive et que j’explore mes ressentis en loutre, à la nage, on peut dire aussi sensiblerie, immature, niaise. Quand est-ce qu’être sensible est devenu poussiéreux, impudique, pas sérieux, désordonné ?
Où est-il écrit qu’une larme rabaisse celui qui la laisse couler ? écrit Ilaria Gaspari.
Qui dit que la puissance de ma colère devra se voir mettre un couvercle parce que le statut des uns permet d’étouffer ce qu’ils nomment la pagaille. La pagaille en fait, c’est l’initiative et la créativité.
Alors j’ai fait naître un renard qui chante dans sa cage en rêvant de fleurs qui n’existent pas. Il est un peu effronté, c’est joli et joyeux quand on ne le pourchasse pas. Parfois la haine le recouvre entièrement et à côté de lui, un coquillage fragile est aussi prisonnier. J’ai fait un collier pour l’offrir au renard. Le collier s’emporte partout et se glisse facilement entre les barreaux d’une prison.
Je l’ai créé pour dire tout ça avec des images, parce qu’on ne me laisse pas parler dans l’intention d’entendre. Je crois que vous aussi.
Je connais un endroit en ce moment qui saccage l’enthousiasme et qui ignore la joie, qui méprise la vie au delà-de lui-même. Et vous en connaissez.
Je leur ai parlé d’inventer des renards qui chantent en dehors de leur cage et des fleurs qui n’existent pas, de prendre soin des coquillages et de nous offrir mutuellement des colliers de couleurs sans attendre en retour. Maintes fois, j’ai reçu « bien reçu » alors que le facteur n’a pas déposé ma lettre. Dans leur esprit en tout cas, je vois qu’elle n’y est pas.
Comme j’ai peur d’enfoncer mes chaussures dans le plat du jugement, il m’arrive de me retenir de marcher. Je me cache et j’évite de respirer, pour qu’on ne me trouve pas, le temps qu’ils soient partis. Eux ne font pas attention et marchent sur mes poèmes. Ils prennent en partant l’air que je n’ai pas inspiré.
Je connais l’entraide réelle, l’écoute mutuelle, la créativité, l’en-vie intrinsèque et je leur fait confiance. Je les aies toutes collées dans un cahier pour m’en rappeler souvent. Elles me semblent plus vertueuses que les bienveillants brutaux à la démagogie violente. J’en ai encore d’ailleurs des bleus sur les genoux.
Je ne veux plus me cacher, je veux courir et j’en prendrai le droit. Je n’ai pas encore trouvé de décision sereine entre la fuite et la confrontation. Je continue l’aventure pour écarter des branches. Tant qu’elles n’y seront pas, je serai en voyage et j’œuvrerai de manière à les garantir et à les honorer. Pourvu que vous aussi.