Journal de Louve #31 Fragile et ténèbres
Fragile, j’ai ta peau qui me brûle. Je me trouve, sous tes doigts, vulnérable et poussière, quand le plaisir est encore enfermé derrière le verrou, que va-t-il advenir si j’ouvre grand la porte, quand je me rappelle avoir regardé ta bouche avec désir, derrière ton sourire, pour la première fois. Tu m’avais demandé si tu me touchais, je n’attendais que ça. On voulait s’amuser. On se baladait en tours de parc, le monde prenait la couleur de nos dires, la forme de nous souhaits. Tu arrivais en retard ou tu n’arrivais pas, j’acceptais tes excuses et je savais toujours que l’on se trouverait, c’est fait.
Reste mon ami.
Fragile, j’ai les idéaux enterrés en attendant qu’ils germent. Je recherche en commande des bottes de sept lieux pour y arriver plus vite, ce n’est que le printemps, la récolte demande encore un peu patience et ce n’est pas mon fort.
La vérité on en fera quelque chose de beau, un jour, mon cœur.
Et tout ce qui est emporté rend puissant ce qui reste, quand on a le courage de regarder le monde du côté des couleurs.
Fragile, j’ai la vie qui m’emballe, le corps qui palpite lorsque j’ouvre les yeux, de découvrir le jour sans savoir ce qu’il veut.
J’ai aussi des ténèbres, des angoisses et vous le savez tous, une pelisse sur le dos, qui me sert de rideau, qui cache la magie noire qui rôde encore chez moi.
Fragile, ce soir j’écoute et m’égare, immobile, je regarde les gens qui ont la vie miroir, je ne me regarde plus. Le sombre sous mes yeux coulera le temps venu, j’ai peur d’être oubliée. On fait la fête ce soir fait vriller l’enveloppe organique de mes veines, je réclame, me fais taire. Je suis enveloppée de papier cigarette, je suis divertie de mes accoutumances.
Le silence sera réceptacle de mes vœux. J’en ai beaucoup à faire puisque je veux grandir.
Fragile, j’invoque mes totems, je prépare les offrandes. Confier à mes fêlures le plus grand prendre soin : le renard et les fleurs, la maison, le ronronnement des chats. Je dépose les armes, on a tous un cœur à poser sur l’autel. L’hôtel, je le réserve pour sauter les verrous. Pour être la cascade, la rivière ou la femme dont la mue peut trembler, l’être dépecé, qui fera danser ses os à la lueur des nuits, pas besoin de musique. Je valserai d’amour, je tanguerai d’amis, je veux toujours ma vie aussi vaste et sereine.