Journal artistique de Louve #9 Je me suis changée en renard
Nous nous aimions avec nos corps, je ne t’ai parlé qu’avec ma langue.
Trois années durant, la lune a exercé son pouvoir sur la terre.
Si je veux juste qu’on m’apprivoise,
Ca a été si douloureux.
Avec toi, je m’enfouissais, ma solitude se cultivait. Criait la nuit, appelait ton âme qui ne me remplit pas tout à fait.
Et le vide était si beau, hypnotique puisqu’abyssal.
La lune a fait son travail, mon poil se hérissait sous tes mains. Tes épaules nues, ton busque droit semblait me montrer le chemin.
Mais un jour le vide hurlant ne semblait plus aussi béant.
C’était fini.
Plus de blessure, de hurlement. Et plus de loup.
Mon corps frêle et furibond s’était changé en renard.
Nous avons tenté de parler, tenté de nous retrouver. Mais ton monde et le nouveau mien ne semblait plus avoir de pont. Nos mains ne se joignaient plus, nous caressions du sable, nous embrassions maladroitement le parfum de l’un, de l’autre à tâtons.
Je ne comprends plus quand tu parles mon amour, et tu ne sembles pas me voir. Je suis devenue un renard. Et je ne sais plus qui tu es.
Notre rencontre se referme dans un temps révolu.
Aujourd’hui je me promène au hasard dans les bois.
Je m’écoute parler d’autres langues, de la poésie intérieure la plupart du temps, et quelques rêves la nuit viennent me purifier.
Je me redresse, prête à bondir, explorer cet univers dans lequel j’ai basculé. Il m’est encore inconnu. J’y suis seule souvent et cela me soulage, mais je commence affamée à chercher d’autres corps.
Et je me vois bientôt bientôt bousculer de nouveaux affamés qui parleront ma langue, qui parleront renard chacun avec leur accent. Voudront-ils me chasser, me traquer ou sauront-ils m’aimer au diapason, comme le vent le fait si bien ? Voudrais-je les mordre en carnassier ? Saurais-je cultiver la sagesse d’être entière avec moi, et dans mon ventre m’entendre respirer apaisée, jusqu’à mon dernier souffle ?
Je pleurerai mon amour perdu, quand viendra trop vite le temps de mes premiers prochains désirs. J’aurai oublié ton nom mais me rappellerai ton corps, inaccessible, que mes mains ne toucherons plus.
Et puis je sècherai mes larmes, ma voix et mon pelage, et quand je me sentirai prête, je partirai à l’assaut de la nature, plus sauvage encore que ce que j’ai appris auprès de toi. Et je chercherai de nouveau mon plus grand amour.