Le corps des géants – Réponse à la lettre d’un lecteur
Suite à la publication de mon article poème « Raz de marée », un lecteur m’a envoyé une lettre qui m’a beaucoup touchée.
J’ai souhaité lui répondre et vous présenter également ma réponse. Lui, ne souhaite pas que son texte soit publié.
D.
L’amour est parfois partout et me submerge.
Mes jours sont marées lorsque je tourne le dos et que la vague me recouvre par surprise, lorsque j’allume un feu, que ça ne suffit pas et que je plonge moi-même avec élan dans l’océan monstre, entre la vie au fond et les rochers.
Pour voir ce que ça fait.
Comme vous, je veux connaître, je mange parfois du sable et mes châteaux s’effondrent. J’ai peur des sermons de l’orage et je sais certains jours apprivoiser le gris.
J’écris des chansons.
Comme je veux tout découvrir, j’aimerais un corps de géant.
J’y mettrais la chaleur sage des dunes, tout ce que je ne saisis pas, les contrastes et surtout, les grands espaces et les conciliations impossibles.
L’éternité.
Pour tout regarder en même temps.
Je me sens petite étroite dans une peau enveloppe d’un mètre soixante-trois, fragile, qui vomit ses entrailles quand elle a trop mangé. Qui parle un peu trop d’elle, c’est pour mieux se comprendre.
Qui se noie trop souvent dans des mouvements complexes. A l’intérieur et à l’extérieur. Trop besoin d’inventer.
Je ne sais à quel point je fais tourner les choses.
Je parie que même les géants ont des limites, des murs qu’ils ne savent pas franchir.
J’aimerais voir au delà.
Mais dans mon corps étroit, je dois faire attention quand je sens les fissures. Je le vois se craqueler, je remets la peinture. Apaiser la surface.
J’ai un chagrin d’ami. Nous en avons parlé.
C’est plus complexe que ça. Ou mes instincts romanesques tiennent à parler plus fort.
J’épure pour que tout puisse tenir à l’intérieur de moi.
Nous devons tous choisir ce que nous voulons le plus, en laissant s’asphyxier toutes les autres flammes qui dansent. Nous étouffons leur joie. Nous voulons être ailleurs.
Mon choix fera-t-il plus de lumière à lui seul que toutes les autres flammes que j’ai laissées pour mortes ?
Si vous m’écrivez que si loin dans le temps, l’amour que vous avez choisi vous comble et non vous suffit, cela me fait sourire.
Je tangue encore.
Je profite de la naïveté qu’il me reste, je saute par mes blessures pour regarder dedans. Je recouds les plaies en prenant tout mon temps.
J’espère suivre vos pas. Que nous deux les suivrons.
Apprendre à surfer.
M’apaiser.
Aujourd’hui, une main large et solide m’a apprivoisée et elle me fait grandir …
qui sait jusqu’où ?